Daily whispers

Avec cette nouvelle série sur papier, Gaël Davrinche engage une pratique à la fois intime et régulière, proche du journal. Chaque jour passé à l’atelier donne lieu à une feuille, comme la trace d’un moment précis, d’une présence. Il ne s’agit pas d’une œuvre isolée mais d’une accumulation patiente, presque obsessionnelle, où les gestes, les couleurs, les notes manuscrites et les références artistiques deviennent les indices d’un temps vécu.

Ces « Daily Whispers » se présentent comme des confidences visuelles, des murmures adressés à l’oreille du spectateur. À la manière d’un agenda ou d’un carnet de peintre, elles révèlent la cadence du travail, le rythme de la pensée et de l’énergie, mais aussi les variations d’affects. Chaque feuille devient un souffle discret, où les couleurs condensent une tonalité émotionnelle, une humeur passagère, tantôt euphorique, tantôt contenue. Des mots apparaissent : remarques, dédicaces, clins d’œil à Matisse ou de Kooning : autant de voix qui viennent prolonger ce chuchotement intérieur, où la peinture dialogue avec l’histoire de l’art autant qu’avec soi-même.

On pense bien sûr aux « Date Paintings » d’On Kawara, où le temps est consigné jour après jour, mais aussi à l’Agenda de Prévert, où écriture et dessin se mêlent dans un rapport ludique et poétique au quotidien. Chez Davrinche, ce mélange d’écriture et de peinture, de murmure et de couleur, construit une partition sensible où le banal se transforme en matière de création.

Chaque feuille témoigne d’un instantané de vie picturale, et l’ensemble compose, au fil des jours et des années, un récit visuel en expansion : celui d’une existence vouée à la peinture. En somme, cette série devient un baromètre intime et pictural, une manière de matérialiser l’invisible : la présence, l’intensité, l’humeur. Daily Whispers forme à terme une cartographie sensible du temps passé à créer à l’atelier , un témoignage vivant et continu d’une vie d’artiste, comme un souffle à l’oreille du monde.