Textes

Botanica

Julien Verhaeghe, 2023

Artiste du XXIe siècle, Gaël Davrinche développe une pratique picturale qui s’attarde sur l’histoire de la peinture académique, ses traditions et sa dimension figurative. Nombre de ses réalisations se décrivent comme des « tableaux de fleurs », dont témoigne la huitaine de séries composant le corpus Botanica.

Entretien Amélie — Gaël

Amélie Adamo, 2022
Au début, j’ai travaillé le portrait jusqu’à le pousser dans ses plus grands réalismes, dans une série intitulée « Portrait et accessoires ». Je jouais la carte d’un genre qui n’existe plus : le Portrait de commande. C’est pour ça que les personnes portraitisées étaient affublées d’un accessoire incongru, comme un Pot de chambre chinois sur la tête ou une boîte de polystyrène autour du col. Mes peintures les révélaient à la fois sous leur meilleur profil et en même temps jouaient la carte de l’autodérision.

La peinture veut avoir un nom

Olivier Kaeppelin, 2021
Gaël Davrinche se tient, bien loin des convenances et de leurs fosses communes. Sans que cela ne soit jamais ni pastiche, ni caricature, il s’inspire de la peinture flamande, Rembrandt ou, simplement, d’un genre d’époque, situé en Europe du nord. Il le fait avec le pinceau, le fusain ou la craie. Les sujets sont « maltraités » parfois ridiculisés. Ils portent les caractères des « grotesques », sans plus de convenances, que le peintre révèle avec cruauté. J’y vois un engagement contre la peinture de commande. Il y déploie une critique franche, aiguë, qui utilise tous les moyens. Il pratique un dépeçage qui ne cache pas sa violence. Il donne vie à une peinture contre un état de la peinture. Etrangement dans un même tableau l’ironie incisive se mêle à une nostalgie de la beauté plastique.

À la figure

Henri Guette, 2021
Dans la série des Revisités, on trouve aussi bien des peintres italiens comme Raphaël, que flamands comme Rembrandt, et de différentes époques puisqu’il s’agit bien d’aborder une tradition de la représentation. On reconnaît très vite les toiles dont s’est inspiré l’artiste et c’est peut-être même là que se trouve l’enjeu de ce travail. L’art moderne a déplacé les enjeux de pouvoirs et de représentations du portrait en permettant aux peintres de s’affranchir de la commande. A partir de l’avènement d’une peinture abstraite, qu’est donc devenu la place d’un visage en peinture et la notion d’individualité ?

Des fleurs en hiver

Grégoire Prangé, 2020

Pour sa seconde exposition à la galerie Provost-Hacker, Gaël Davrinche propose une sélection de dessins et peintures issues de ses recherches picturales les plusrécentes, autour de la fleur. Autant de manifestations d’un vaste projet entrepris il y a une dizaine d’années, le Corpus Botanica. Plus précisément, l’exposition présente des œuvres issues de trois séries. Les Nocturnes d’une part, huiles sur toile aux couleurs éclatantes, les Mille fleurs d’autre part, aux feuilles et pétales comme jetés sur la toile, et l’Herbarium enfin, ensemble de dessins au noir intense.

Herbarium

Fanny Giniès, 2019
Faisant le choix d'une méthode d'exposition sérielle, où les murs sont couverts à touche-touche de dizaines de dessins, Davrinche compose un paysage bichrome captivant mais aussi alarmiste. En effet si chaque fleur, dans l'expression de sa multiplicité plastique, a son existence propre, l'ensemble n'évoque-t-il pas d'un point de vue allégorique la disparition des écosystèmes dont les chercheurs dénoncent l'accélération ?

De pères en fils

Richard Leydier, 2013
Qui souhaite aujourd’hui se lancer dans la carrière de peintre doit d’emblée prendre en considération la difficulté de la tache qui l’attend. Il doit en effet savoir que la peinture, en raison d’une histoire plusieurs fois millénaire, a des exigences particulières : puisque tout ou presque semble déjà avoir été inventé, il s’avère particulièrement difficile de s’inscrire durablement dans son histoire déjà bien surpeuplée.

Entretien Nicolas — Gaël

Nicolas Ledoux / Gaël Davrinche, 2013
Quand j’ai développé la série des « Revisités », qui s’est déroulée sur une période de six ans, j’ai commencé par chercher des pères dans l’histoire de la peinture. Je n’avais pas envie de faire une peinture sérieuse, ostentatoire et pédante. Je préférais m’amuser à révéler ce que les grands maîtres de l’époque ne montraient qu’à demi-mot, par un principe d’exagération franche et drolatique. Cette série a eu pour effet de m’attacher directement à l’histoire de l’art, sans pour autant m'y inscrire.